22 000 lettres pour cinquante ans d’amour :
Juliette Drouet et Victor Hugo
Gwenaëlle SIFFERLEN
Julienne-Joséphine Gauvain, dite Juliette Drouet, fut pendant cinquante ans la maîtresse de Victor Hugo, de 1833 à 1883.
Ils se rencontrèrent à l’occasion de la création de Lucrèce Borgia au théâtre de la Porte-Saint-Martin. La jeune femme, alors actrice convoitée sous le nom de Mlle Juliette, y jouait le tout petit rôle de la princesse Negroni et ils devinrent amants dans la nuit du 16 au 17 février 1833, date que Hugo choisit comme celle du mariage de Marius et Cosette dans Les Misérables. À compter de ce jour, elle vécut non loin de lui dans des logements qu’il louait pour elle, femme de l’ombre puisqu’il était déjà marié. Elle le suivit de Paris jusqu’en exil – elle lui sauva d’ailleurs la vie et préserva la malle aux manuscrits lors du coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 –, de Bruxelles à Jersey, à Guernesey, puis à son retour en France, incessamment courageuse et dévouée. Ils ne partagèrent finalement le même toit qu’à partir de 1873, cinq ans après la mort d’Adèle Hugo. Lorsque Juliette Drouet disparut, « […] il arriva cette chose inouïe : Victor Hugo cessa d’écrire […]. Il ferma son encrier pour toujours », écrivit Léon Daudet qui fut l’époux de sa petite-fille Jeanne, et il ne lui survécut que deux ans.
Or, durant ces dizaines d’années parfois tumultueuses d’amour et de passion, « Juju » envoya presque quotidiennement une à trois lettres à celui qu’elle appelait « son Toto », soit près de 22 000 missives. Aujourd’hui, la Bibliothèque nationale de France en possède environ 17 000, la Maison de Victor Hugo à Paris un peu plus de 1 000 et on en trouve également dans des musées, bibliothèques françaises et étrangères, médiathèques, collections particulières.
Mais en 2012, alors que quelques centaines d’entre elles seulement étaient accessibles dans des recueils papier, le Centre d’Études et de Recherche Éditer/Interpréter de l’Université de Rouen se lança dans la gigantesque entreprise de proposer la consultation intégrale de cette correspondance grâce à une édition savante en ligne1. Les lettres sont désormais publiées au fur et à mesure de leur transcription et de leur annotation par une équipe interuniversitaire dirigée par Florence Naugrette, avec le concours scientifique et la participation de dizaines de chercheurs. En effet pour tout lecteur, amateur comme chercheur, cette œuvre formidable présente un grand intérêt à la fois biographique, historique et littéraire.
L’INTÉRÊT BIOGRAPHIQUE DES LETTRES
En premier lieu, certes, de nombreuses lettres tout entières ne sont parfois que l’expression de l’amour indéfectible que Juliette porte à Victor, répétition de promesses de fidélité et d’adoration éternelles car, malgré sa position peu honorable de maîtresse officieuse condamnée à vivre dans l’ombre de son « grand homme » sans statut légal, elle envisage sa présence dévouée auprès de lui comme une mission. Elle porte en réalité le fardeau de son passé d’actrice en attente de rédemption : avant sa rencontre avec Hugo, elle menait une vie dissolue, parfois entretenue par de riches protecteurs, fille mère à vingt ans dans l’incapacité – par innocence, naïveté ou désinvolture – de gérer ses écarts. Le nouveau – et dernier – compagnon attend dès lors qu’elle se rachète et elle tente de se conformer à son image d’idéal féminin, un idéal romantique de la femme perdue que l’on peut sauver par l’amour purificateur et en la remodelant à sa manière. Ainsi, pour donner à Hugo l’impression de s’élever au-dessus des autres femmes, son amour doit se distinguer des autres, et elle le décline selon trois axes minutieusement hiérarchisés : elle l’aime « comme une mère, comme une femme et comme une dévote ».
Néanmoins, puisque chaque jour Juliette Drouet rend scrupuleusement compte de son emploi du temps, de ses états d’âme et de ses réflexions, nous en apprenons beaucoup sur sa vie quotidienne, celle de Victor Hugo, celle de leur famille – sa fille Claire, les enfants et petits-enfants du poète – et de leur entourage – amis, connaissances, voisins, employés, ouvriers, animaux domestiques.
Si l’on s’attarde précisément sur le couple, même si ces lettres nous permettent de découvrir avant tout le tempérament très entier de leur auteure selon son autoportrait sans concession, elles dessinent aussi les habitudes, les goûts et le portrait psychologique de Hugo homme et écrivain, bien différent parfois de ce que certaine postérité a préféré retenir. L’on découvre alors sa personnalité contrastée, entre l’humaniste – défenseur des opprimés, des enfants maltraités, généreux et préoccupé d’autrui, portrait dithyrambique que Juliette redessine avec le même plaisir et la même constance quasiment à chaque lettre – et le beau parleur menteur – il lui fait sans cesse des promesses qu’il ne tient pas, dissimule et profère en toute conscience d’énormes mensonges. Cela explique finalement pourquoi et comment il parviendra pendant si longtemps à lui cacher ses infidélités. Elle décrit également son esprit de contradiction et sa nature taquine dont elle est la première cible, endurant sans cesse ses blagues, moqueries, rébus, devinettes et chatouilles. Il a de surcroît, selon elle, fort mauvais caractère : sa grande susceptibilité et sa jalousie le poussent à commettre ce qu’elle ressent comme des injustices, des tyrannies, voire des méchancetés, et sans doute a-t-il même battu son amante aux prémices de leur relation.
Par ailleurs, s’il est difficile de parler de vie de couple pour un second ménage tributaire des priorités du premier, Juliette et Victor partagent néanmoins des habitudes ou rituels, des petites joies simples telles que des cadeaux, promenades, sorties, représentations théâtrales, et surtout de réels instants de complicité : lorsqu’il vient travailler chez elle ; qu’ils passent ensemble la matinée au lit ; qu’elle fait préparer pour lui ses dîners préférés ; qu’il lui écrit des mots d’amour dans son Livre Rouge ou qu’elle lui cherche des petits remèdes pour soigner ses petits maux.
L’INTÉRÊT HISTORIQUE ET DOCUMENTAIRE DES LETTRES
En second lieu, si Juliette Drouet propose rarement des analyses précises du contexte historique, mentionnant la plupart des événements de façon allusive, l’étude scrupuleuse de ces évocations permet toutefois au lecteur de découvrir, avec l’aide d’un certain nombre d’outils explicatifs disponibles sur le site, tout l’intérêt documentaire de sa correspondance.
C’est tout d’abord un témoignage rare de certains aspects de la condition féminine du XIXe siècle. Encore actrice, comme toutes les autres pour survivre, Mlle Juliette était entretenue par de riches amants prodigues, ou d’autres impécunieux et peu scrupuleux. À sa rencontre avec Victor Hugo, elle passe donc d’une protection masculine à une autre, mais selon des modalités très différentes.
Même si les modalités de son dévouement à l’écrivain sont pratiquement définies dès 1836, c’est le « pacte » contraignant de 1839 qui pose officiellement les termes de sa dépendance jusqu’à l’exil de fin 1851. En voici les conditions : elle accepte d’interrompre sa carrière théâtrale et de se consacrer exclusivement à Victor Hugo, ne sort quasiment plus sans lui, lui fait quotidiennement le récit détaillé de ses activités, attend son aval pour recevoir ses amis ou lire son courrier et ne consulte que les journaux qu’il lui apporte. Ces sévères exigences s’inscrivent dans l’entreprise de purification salvatrice souhaitée et planifiée par l’amant suspicieux. En échange, il s’engage à ne jamais l’abandonner, à éponger ses dettes et à subvenir à tous ses besoins ainsi qu’à ceux de sa fille.
Dès lors, les journées de Juliette sont rythmées par le soin de la maison, la direction de la couture, de la cuisine, du bricolage et l’entretien du jardin. Florence Naugrette y voit la « justification de sa présence aux côtés de Hugo, un remède à une oisiveté qui la culpabilise autant qu’elle la démoralise ».
Il s’agit en outre d’un véritable tableau d’une époque. Par exemple, les états de santé sont au premier rang des inquiétudes quotidiennes du couple, qui se font en cela l’écho des préoccupations de leurs contemporains ; les lettres fourmillent donc de détails sur les traitements et médicaments courants, les règles d’hygiène générale ou bucco-dentaire, les habitudes sanitaires, tout en égratignant souvent l’efficacité des médecins. Juliette Drouet parle également de découvertes scientifiques, de journalisme, de publicité, des feuilletons du moment, des représentations, des spectacles, des nouvelles habitudes et courants artistiques. De plus, lorsque Victor Hugo s’engage dans une carrière politique puis devient influent, elle mentionne aussi, souvent avec humour, les affaires importantes qui l’occupent, ses procès, ses combats, la cour et le gouvernement.
Enfin, il est question de vie quotidienne. La pauvre petite orpheline bretonne devenue actrice/courtisane parisienne mondaine, puis ménagère dévouée en France ou en exil, a fréquenté tous les milieux, et elle entrouvre la porte sur l’intimité des foyers populaires ou bourgeois, tout en dressant un état des lieux minutieux de la géographie des espaces vécus ou visités, des moyens de transport, des lieux à la mode, des fêtes, de la météorologie.
L’INTÉRÊT LITTÉRAIRE DES LETTRES
En dernier lieu, traiter la question littéraire dans les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo est une entreprise particulièrement vaste dans la mesure où elle permet tout à la fois d’envisager l’ampleur de la production de l’écrivain, d’examiner les pratiques scripturales de leur temps et de considérer spécifiquement cette correspondance en tant qu’ouvrage de qualité.
Tout d’abord, comme elle est la première lectrice des créations hugoliennes puisqu’elle les copie, l’épistolière donne des indications précieuses sur leur genèse, la méthodologie de travail de Victor Hugo, les sociabilités littéraires du moment et ses relations avec le monde du théâtre, de l’édition ou de l’Académie française.
Quant à son œuvre à elle, si elle a longtemps considéré cette obligation de restitus – ainsi qu’elle rebaptise ses lettres – comme une corvée avant d’y trouver un véritable plaisir cathartique, elle connaît au fil du temps une remarquable évolution. Il n’est pourtant guère aisé pour un scripteur ordinaire de développer un « style » avec le compte rendu monotone du quotidien et l’expression répétitive d’un amour. Cependant, la Juliette peu cultivée du début s’adonne, au contact de son grand poète, à la lecture régulière d’œuvres littéraires de tous types ou de la presse politique, propédeutique nécessaire à son épanouissement intellectuel ; mue par son tempérament curieux et assoiffée de connaissances, elle nourrit son vocabulaire et sa pensée, et voit de ce fait son écriture s’améliorer à mesure qu’elle acquiert des outils de langage et de réflexion.
L’épistolière développe dès lors une grande liberté de parole et de style, ses effets originaux et surtout sa parlure, par un vaste processus de transformation de la langue : modification de la typographie pour faire émerger une écriture oralisée soulignant ses humeurs de façon emphatique, utilisation ludique et poétique des mots, hyperboles, pratiques néologiques ou vocabulaire amoureux codé afin de plaire à son destinataire et le pousser à la lire, mais aussi reconquérir une indépendance psychologique par l’activité scripturale.
L’extrait suivant, filant avec esprit une métaphore musicale, montre ainsi en partie le caractère résolument expérimental de ce que l’on a pu appeler « le style Juju », mélange créatif de sublime et de grotesque :
Pour changer un peu mon air je voudrais bien voir votre chanson. C’est ennuyeux de se servir toujours du même refrain. Il me semble que nous serions plus d’accords si vous n’aviez pas la barbarie de vous servir de moi comme d’un instrument avant et après vos trahisons. Soyez sûr que rien n’est perdu et que je prends notes de tout ce que vous faites de concert avec les péronnelles qui jouent de la prunelle avec vous. Je troublerai cette bonne harmonie qui sert de basse à ma trahison. Votre corps, de chasse qu’il était à mes yeux, ne sera plus qu’un corps net, sans piston. Après avoir été trop bonne, je deviendrai féroce et je vous battrai sans mesure comme un tambour. Vous aurez beau jouer des flûtes, je vous poursuivrai, quand je devrais vous faire mettre au violon. Tam tam […].
Et afin d’illustrer ce style qu’elle qualifie d’éminemment « COLORÉ », elle agrémente ses lettres de petits dessins humoristiques lui permettant de s’évader, par la création iconographique, d’un morne quotidien qui lui pèse souvent. En voici deux exemples, le premier du 16 juin 1847 et le second du 1er janvier 1841 :
© Reproductions du site consacré à Juliette Drouet
Et cependant Juliette Drouet, malgré son abondante production épistolaire, n’envisage pas de publier. D’une part, son statut, son passé, son origine sociale l’en empêchent ; d’autre part, la forme épistolaire est alors considérée, ainsi que le rappelle Françoise Simonet-Tenant, comme faisant partie des « écritures naturelles, à la périphérie de la sphère littéraire » ; enfin, lorsqu’elle commente le contenu de ce qu’elle appelle ses « gribouillis » ou son propre style, elle se moque d’elle-même et peut se montrer parfois fort virulente.
Or, finalement peu lui importe, puisque son unique projet est d’être la meilleure amoureuse, et non la meilleure écrivaine. Elle affirma d’ailleurs avec fierté :
Si vous avez du génie, moi j’ai de l’amour et pour seule ambition d’être aimée de vous. Nous faisons chacun de notre côté notre petit travail, toi tu composes un chef d’œuvre, moi je t’aime. Il me semble, toute modestie mise à part, que mon œuvre ne sera pas inférieure à la vôtre.
Par ailleurs, elle est également consciente que Hugo conserve ses lettres et donc qu’un jour, peut-être, d’autres que lui les liront. Elle sait aussi qu’elle participe à l’élaboration de ses œuvres car le poète réutilise des extraits de ses restitus – parfois à son insu– ou bien des souvenirs, journaux de voyage, comptes rendus de recherches ou d’événements qu’il lui a demandé de rédiger. Elle est pour finir elle-même le matériau premier, par son passé, ses aventures et sa personnalité, de certains de ses personnages emblématiques.
Et cependant, elle se conçoit auprès de lui, durant toute sa vie, uniquement comme une collaboratrice. En témoigne sa lettre du 9 septembre 1847, alors qu’elle remet à son « grand homme » ses souvenirs de couvent pour Les Misérables :
Oui, MONSIEUR, oui, j’ai fini mon MANUSCRIT, oui, j’ai la générosité de vous donner le fruit de mon travail, sans hésiter et sans marchander. Faites-vous de la célébrité avec, faites-vous-en de la gloire et de la fortune, je ne m’y oppose pas. Je vous le DONNE.
Aujourd’hui encore, la correspondance de Juliette Drouet à Victor Hugo est souvent envisagée seulement comme une passerelle vers le grand œuvre hugolien. Pourtant, l’équipe de recherche chargée de son édition a désormais montré l’intérêt et la singularité de son style, la pertinence de ses réflexions, l’intelligence de ses choix narratifs ou descriptifs, la qualité de cette sorte de carnet de bord intime qui pousse le lecteur à s’emparer d’une autre lettre à peine terminée la précédente, pour s’immerger à nouveau dans cette relation originale des petits riens quotidiens comme des moments exceptionnels.
L’on est également touché par la force mentale exceptionnelle de cette femme, canalisée par l’écriture, car ces missives sont tout autant le signe de la distance géographique avec l’amant absent que celui de la distance sociale, puisque quand elle vivra sous le même toit que Hugo, elle continuera malgré tout à lui écrire chaque matin. Aussi cette œuvre monumentale et unique – de par son volume et sa durée – est-elle à présent considérée comme relevant d’une forme hybride, tenant à la fois de la correspondance et du journal personnel : c’est un journal épistolaire parce que la destinatrice n’attendait pas de réponse et n’en recevait que rarement.
Dès lors, l’épistolière ne pouvait guère envisager la postérité qu’il connaît actuellement, et que Victor Hugo, quant à lui, espérait peut-être en conservant précieusement tous ces billets et en les restituant à la mort de sa maîtresse à son neveu, Louis Koch, dans leur intégralité et leur intégrité. Ne lui avait-il pas d’ailleurs promis dès le début de leur relation : « Si mon nom vit, votre nom vivra. […] Soyez tranquille. On vous rendra toute justice un jour » ?
L’on peut dorénavant estimer que c’est chose faite. Lorsque, au crépuscule de sa vie, le grand Victor Hugo cessa d’écrire, il laissa la place à la voix posthume de Juliette Drouet, signe de son amour et de son admiration, pour qu’elle puisse enfin un jour, après un demi-siècle passé dans l’ombre où elle avait fini par se complaire, entrer à son tour dans la lumière.
22 000封信,穿越50年的爱:
朱丽叶·德鲁埃和维克多·雨果
格温耐尔·希菲尔朗
茱莉安-约瑟芬·戈万,被称作朱丽叶·德鲁埃,在1833至1883五十年间是维克多·雨果的情人。
他们相识于圣马丁门剧院,《卢克雷齐亚·波吉亚》创作之际。这位年轻的女士当时以“朱丽叶小姐”为名,是位令人垂涎的女演员,她在剧中扮演内格罗尼公主这一小角色,二人在1833年2月16日至17日的夜里成为了恋人,雨果选择了这个日期作为《悲惨世界》中马吕斯和珂赛特举行婚礼的日子。从那天开始,朱丽叶就住在雨果为她租下的住所,生活在雨果身边,成为了他躲在阴影中的女人,因为雨果当时已经结婚。从巴黎直至流亡时期(她在1851年路易-拿破仑·波拿巴政变中救了他的命,并保留他的手稿箱),从布鲁塞尔到泽西岛,再到根西岛,然后回到法国,她一直勇敢且忠诚地追随着雨果。从1873年开始,他们终于生活在了同一屋檐下,这是在阿黛尔·雨果去世五年后。当朱丽叶·德鲁埃去世时,“(……)发生了这件令人难以置信的事情:维克多·雨果停止了写作(……)。他永远地盖上了墨水瓶,”他的孙女珍妮的丈夫雷昂·都德写道,朱丽叶去世后,他只活了两年。
然而,在那几十年充满爱与激情的动荡岁月中,“朱朱”几乎每天都会给他写一到三封信,她称这些信为“她的Toto”,总计近22 000封书信。今天,法国国家图书馆收藏着大约17 000封,巴黎的维克多·雨果之家有1 000多封,我们还在博物馆、法国及国外的图书馆、媒体图书馆、私人收藏中找到一些。
但在2012年,当时我们只能接触到其中少数纸质收藏,鲁昂大学编辑与口译研究中心开始了这项庞大的工程,通过在线学术版本提供这些信件的完整查询。随着由弗洛朗斯·诺格雷特领导的大学校际团队进行的转录和注释工作,以及科学协作和数十名研究人员的参与,这些信件今后将得以出版。事实上,对于任何读者、业余爱好者或研究人员来说,这部伟大的作品同时也展现出极大地传记、历史和文学价值。
书信的传记价值
首先,当然,许多书信整封表达的都是朱丽叶对雨果至死不渝的爱,重复着对忠诚和崇拜的永恒承诺,因为尽管作为情妇的不光彩角色致使她只能生活在这位“伟人”的阴影下,没有合法身份。她却想将献身于他当做一个使命。实际上,她将过去女演员的身份当作自身背负的重担,等待着救赎:在遇到雨果之前,她曾过着放荡的生活,有时是由那些富有的保护者供养,由于纯真、幼稚或随便,二十岁时她成为一个误入歧途的未婚母亲。而当她进行自我救赎并试图使自己符合女性的理想形象时,这位新伴侣(也是最后一位伴侣)正在等待这样一个浪漫的理想形象,一个可以通过纯洁的爱来拯救并以自己的方式使其重塑的的失足女人。因此,为了给雨果留下超越其他女人的印象,她的爱,必须和其他人区分开来,并使其按照三条细致分级的轴线进行变化:她分别“作为一个母亲,作为一个女人和作为一个信徒”去爱他。
而由于每天朱丽叶·德鲁埃一丝不苟地考虑到其日程安排、情绪和思考,我们了解到很多关于她的、雨果的、他们家庭的(她的女儿克莱尔,诗人的孩子和孙子),以及周围人的(朋友、熟人、邻居、员工、工人、宠物)日常生活。。
如果我们特别关注这对夫妇,就会发现尽管这些信件通过毫无保留的自我描述使我们能够首先了解其作者的整个气质,其中同样也描绘了雨果作为一个男人和作家的习惯、爱好和心理画像,这些有时与某些后世所保留的东西截然不同。然后我们发现他作为人文主义者(被压迫者,受虐待的孩子的保护者,对他人的慷慨者和关心者,朱丽叶在几乎每一封信中都会快乐而一致地过分赞扬的形象)和美丽的骗子(他一直做出自己不遵守的承诺,他隐瞒或是出于良心说出巨大的谎言)这两种截然不同的性格。这最终解释了他为何以及如何长时间地设法隐藏自己的不忠行为。她还描述了雨果矛盾的思想和爱戏弄人的性情,而她便是这种性情的首要目标,无休止地忍受雨果的笑话、嘲弄、暗示、谜语和挠痒痒。此外,根据朱丽叶的说法,雨果有非常糟糕的性格:他的敏感和嫉妒使他犯下令朱丽叶觉得不公、专横,甚至是邪恶的行为,他可能甚至在两人的关系开始时就打了朱丽叶的情人。
此外,尽管在以第一个家庭为先的情况下很难谈论第二家庭的夫妻生活,,朱丽叶和维克多仍然分享着一些习惯或仪式、简单的小乐趣,如礼物、散步、旅行、戏剧,特别是由衷的默契时刻:当他来到她家里工作时;当他们一起在床上度过上午时;当她为他准备了他最喜欢的晚餐时;当他在自己的红皮书中写下了爱的话语时,或者当她为他的小病痛寻找治疗的小方法时。
书信的历史和文献价值
其次,尽管朱丽叶·德鲁埃很少提供历史背景的精确分析,提及大多数事件时是以一种隐晦的方式,然而在网站上提供的一些解释工具的帮助下,对这些回忆的严谨研究使读者能够发现其通信的全部文献价值。
它首先是对十九世纪女性状况某些方面的罕见见证。就像所有其他谋求生存的人一样,朱丽叶小姐在还是一名女演员时,被一些富有的花花公子或其他贫穷的浪荡子所供养。当她遇到维克多·雨果时,她从一种被男性保护的模式换成了另一种,但却是截然不同的方式。
虽然她对这位作家的献身方式早在1836年就已在实质上得以确定,但1839年的约束性“契约”才这正式确立了她的依附关系,直至1851年末流亡时期:她同意中止戏剧生涯,并完全献身于维克多·雨果,无雨果陪伴下几乎不出门,每天详细记述雨果的活动,在雨果的许可下接待朋友或阅读信件,只能翻阅雨果为她带来的报纸。这些严格的要求是多疑的爱人所计划的被拯救者净化工程的一部分。作为交换,他承诺永远不会抛弃她,偿还他的债务,并提供她和她女儿的全部生活所需。
从那时起,朱丽叶的生活节奏就被收拾屋子、缝纫、煮饭、做零活和打理花园所填满。弗洛朗斯·诺格雷特在其中看到了“一种生活在雨果身边的正当理由,一种对无所事事的补救措施,因为无所事事会让她感到内疚,感到气馁”。
这也是一个时代的真实画面。例如,健康状况是这对夫妇日常关注的焦点,与他们同时代人的担忧相呼应;这些信件充满了关于常见治疗和药物、一般或口腔卫生规则,以及健康习惯的详细信息,同时常常会讽刺医生的效率。朱丽叶·德鲁埃还谈到当时的科学发现、新闻、广告,连载小说,以及演出,戏剧、新习惯和艺术趋势。此外,当雨果投身于政治生涯,并产生影响力时,她也往往以一种幽默的口吻提到雨果所忙碌的重要事务、他的诉讼、他的斗争、法院和政府。
最后,是关于日常生活。可怜的布列塔尼小孤女成了女演员或者说巴黎社交界的交际花,然后又变为了家庭主妇,无论在法国还是在流亡时期,她对所有阶层都很熟悉,通过对生活过或参观过地点的地理位置、交通工具、时尚场所、节日、气象图景的详细绘制,她拉开了平民或资产阶级家庭的隐私之门。
书信的文学价值
最后,对朱丽叶·德鲁埃写给雨果的书信中文学问题探讨是一项尤为庞大的工程,因为它使我们同时要面对作家的创作广度、研究其同时代的代表作品,并将这些信件视为一部高质量的作品。
首先,她是雨果作品的第一读者,因为这些作品由她抄录。这位书信作者提供了一些宝贵信息,有关这些作品的成因,维克多·雨果的工作方法,当时的文学社交性及其与戏剧界、出版社或法兰西学院的关系。
至于属于她的这部作品,如果说在从中找到真正的宣泄的乐趣之前,她一直将这项修复义务(她修改这些信件的名称)视作一项繁重的家务,那么随着时间的推移,她经历着一次非凡的进化。然而,对于普通作家来说,用日常生活的单调叙述和爱的重复表达来培养一种“风格”并不容易。然而,开始时那位文化修养不高的朱丽叶,在与伟大诗人交往的过程中,致力于定期阅读所有类型的文学作品或政治新闻,这是使她智慧绽放所必需的。在她好奇并渴望知识的性情的驱使下,她丰富着自己的词汇和思想,从而随着语言和反思工具的获取,她看到自己在写作方面的提高。
因此,这位书信作者在话语和风格、其新颖的效果尤其是说话方式上,通过广泛的语言转换过程得以自由发展:变化排版以突出强调其情绪的口头写作;使用充满乐趣和诗意的单词、夸张、新词实践或编码示爱词汇来取悦收件人,并激发收件人读信的兴趣。
以下摘录,将音乐性的暗喻同思想交织,部分展示了我们所谓的“朱朱风格”的坚决实验性特征,这是一种崇高与怪诞的创造性融合::
为了改变我的调子,我想看看您的歌。总是使用相同的副歌很烦人。在我看来,我们可能会有更多和弦,如果背叛前后,你没有像使用乐器一样使用我。请确保没有任何遗失,我会记录您与那些对您暗送秋波的蠢女人一起所做的一切。我会打扰这种良好的和谐,这是我背叛的低音。您的身体,曾在我眼中的狩猎,将只不过是一具纯粹的肉体,没有音栓。在喝过彩之后,我会变得凶狠,没有节拍地打您,就像打鼓一样。您演奏长笛亦是徒然,我会追赶您,当我应该让您拉小提琴的时候。当,当……
并且为了阐明这种她描述为突出的“彩色”风格,她用幽默的漫画点缀信件,通过这些图像创作,她得以摆脱经常要承受的日常生活的沉闷。以下是两个例子,第一幅创作与1847年6月16日,第二幅创作于1841年1月1日:
然而,朱丽叶·德鲁埃,尽管有丰富的书信体作品,却并不打算出版。一方面,她的身份、过往、社会出身使她很难这样做;另一方面,正如弗朗索瓦丝·西莫奈-德南所回忆的那样,书信体形式当时被认为是“自然写作的一部分,在文学领域的外围”;最后,当她评论自称为“涂鸦”或自己风格的内容时,她取笑自己,有时候会非常恶毒。
而最终这些对她来说并不重要,因为她唯一的计划是成为最好的情人,而不是最好的作家。她自豪地肯定道:
如果说您有天赋,我嘛,我有爱,而我唯一的野心便是被您所爱。我们每个人都做自己的小工作,你呀,你创作杰作,我嘛,我爱你。在我看来,将谦虚抛诸脑后的话,我的作品不会低于你的作品。
此外,她也知道雨果保留了他的信件,也许有一天,其他人会读到这些信。她也知道她参与了雨果作品的创作,因为这位诗人重新使用她信件中的摘录——有时是在她未知的情况下——或记忆录、旅行日记,以及雨果要求她写的研究或事件报告。她要通过自己的过去、冒险和个性去完成一些标志性人物的原型。
然而,在她的一生中,她只是作为合作者而与他一起构思。正如她在1847年9月9日的一封信中所证明的那样,她向她的“伟人”提供了自己关于修道院的记忆,以帮助其完成《悲惨世界》的创作:
是的,先生,是的,我已经完成了我的手稿,是的,我慷慨地赠与您我的劳动成果,毫不犹豫,没有讨价还价。带着它去成名,使它成为您的光荣和财富,我不反对。我将它给您。
即便在今天,朱丽叶·德鲁埃与维克多雨果的通信往往只被视为通往雨果伟大作品的门户。然而,负责其出版的研究团队现在已经表现出其风格的价值和独特性,其反思的中肯性,其叙事或描写选择的智慧性,这种亲密日记的质量促使读者刚读完前一封信就抓起另一封信,以便再次沉浸在将日常小事物作为特殊时刻的独特关系中。
我们也被这个女人的特殊精神力量所感动,这种精神力量是由写作引导的,这些信件同时象征着与缺席爱人之间的地理距离和社交距离,因为当她同雨果生活在同一屋檐下时,她还是会每天早上继续给他写信。因此,这部具有纪念意义的独特作品——按其数量和持续时间——现在被认为属于一种混合形式,同时包含通信和个人日记:这是一份书信体日记,因为它写信人并未期待回信,而且也极少收到回信。
因此,这位书信作者几乎没考虑过这部作品在后世的经历,而雨果,与此同时,或许是希望珍惜地保留所有这些笔记,在他的情妇死后,他完整地将书信归还给了她的侄子,路易·科赫。他不是从二人关系开始时就承诺过吗?“只要我的名字存在,你的名字就会存在。(……)保持安静。有一天你会得到公正。”
今后我们可以认为这个诺言已经得以实现。在暮年之际,当伟大的雨果停笔时,他让位于朱丽叶·德鲁埃死后的声音,这是他的爱和敬仰的标志,让她终于有一天,在阴影中度过了半个世纪最终开始享受身居其中的快乐后,能够进入光明之中。