Séminaire organisé par la Fondation Lu Xun de Shaoxing (28-29 septembre 2018)
Michèle Guéret-Laferté, « À l’aube de la littérature française »
La littérature médiévale française est extrêmement riche - elle couvre quatre siècles, du XIIe au XVe siècle - et demeure trop souvent méconnue (surtout en France !), mais si j’ai choisi d’évoquer ses tout débuts, c’est parce que ce fut un moment d’une extraordinaire floraison artistique, qui fut déterminant pour l’ensemble de l’histoire littéraire européenne, tout au moins pour ce qui concerne deux genres éminents : la poésie et le roman. Donnons-en dès maintenant quelques preuves : les chansons des troubadours, grâce notamment aux jongleurs qui se déplaçaient non seulement d’une région à l’autre mais aussi au-delà des frontières, furent très rapidement connues en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, en Italie..., pour ne citer que les principaux pays. Le père de la littérature italienne, Dante Alighieri, auteur de la Divine Comédie (1321), rendra un vibrant hommage aux troubadours en reconnaissant sa dette à leur égard. Quant aux romans de Chrétien de Troyes, fondateur du genre, ils connaissent eux aussi une très rapide diffusion jusqu’en Europe du Nord, du vivant même de leur auteur : ainsi, ils sont traduits en allemand dès la fin du XIIe siècle. Or rappelons que c’est à partir de la traduction allemande du dernier roman de Chrétien de Troyes, Perceval ou le conte du Graal, dont nous parlerons un peu plus loin, que Richard Wagner écrivit en 1882 l’un de ses opéras les plus célèbres, Parsifal. Très nombreux seraient les exemples que l’on pourrait donner de l’influence déterminante qu’exerça et que continue d’exercer cette littérature sur les auteurs modernes : contentons-nous d’en citer deux pour le XXe siècle, le poète Jacques Roubaud, un des représentants principaux de l’OU. LI. PO. (« Ouvroir de Littérature Potentielle ») et subtil connaisseur de la poésie des troubadours, et Julien Gracq, qui proposa avec le Roi pêcheur une réécriture de l’histoire de Perceval.
Mais ce que nous voudrions essentiellement montrer, c’est l’esprit nouveau qui a irrigué et nourri cette double naissance, les valeurs nouvelles et assurément modernes, par certains aspects, qui ont émergé avec le développement de la production poétique et romanesque. Bien sûr, il faudrait aussi mettre en évidence les procédés proprement littéraires mis en œuvre par ces artistes, tout à fait remarquables, voire d’une extrême complexité pour les troubadours qui pratiquent le trobar clus, mais nous serons quelque peu limités dans notre exposé par le fait que nous travaillons sur des traductions et que l’occitan des troubadours de même que l’ancien français de Chrétien, tout en n’étant pas très éloignés du français moderne, n’en constituent pas moins une difficulté supplémentaire pour des étrangers. Qu’il nous suffise de dire que ces œuvres, tout en étant les premières manifestations du français écrit, témoignent, grâce au talent de leurs auteurs, d’une perfection indéniable, comparable à celle des premières cathédrales qui furent érigées en France à cette même époque, dont l’esthétique présente avec elles d’évidents points communs, notamment à travers le goût pour la lumière et la couleur - pensons à l’art du vitrail qui se développe pour orner les baies des cathédrales) - et la recherche de la belle composition, jouant en particulier sur les effets de la symétrie et du contraste.
Pour définir l’esprit nouveau qui anime la création poétique et romanesque caractéristique de ce XIIe siècle, un mot est essentiel : c’est celui de « courtoisie », dont nous allons tenter de cerner toute la richesse sémantique. Quelle est son étymologie ? « Courtoisie » vient de « cour » (qui en AF s’écrit avec un t final). La cour, c’est l’entourage du seigneur, que celui-ci soit puissant et gouverne un territoire étendu, un royaume, ou bien que son pouvoir soit plus limité, comme l’est celui d’un comte ou d’un vicomte. Cet entourage a eu d’abord essentiellement une fonction militaire. La cour, ce sont les guerriers, parmi lesquels les chevaliers acquièrent vite un rôle éminent, qui assurent la protection du seigneur et l’assistent dans les guerres qu’il livre à ses voisins. Mais bientôt d’autres valeurs s’imposèrent, au fur et à mesure que la société féodale devint plus pacifique (la religion chrétienne influença de façon déterminante cette évolution), plus riche aussi sur le plan économique. On peut très précisément situer cette évolution dans les dernières décennies du XIe siècle et la première moitié du XIIe siècle. C’est alors que la prouesse et le courage au combat ne vont plus suffire à définir l’idéal de la classe des nobles et que les termes « courtoisie » et « courtois » vont faire leur apparition. Voici la définition qu’en donne le médiéviste Jean Frappier :
« La courtoisie implique un raffinement des mœurs, la recherche du luxe, les loisirs, la politesse, les belles manières, le respect des bienséances, les soins empressés auprès des dames qui dans les cours donnent le ton des relations sociales. Mais la courtoisie du Moyen Âge est beaucoup plus qu’un code de politesse et de galanterie. Elle englobe aussi un art d’aimer. Elle s’approfondit et se développe en une psychologie et en une morale de l’amour ».
C’est une notion très riche, qui définit un nouvel art de vivre. Le noble se distingue du « vilain » par ses qualités courtoises, au premier rang desquelles se trouvent la « largesse », c’est-à-dire la générosité, la capacité à donner (de l’argent, des chevaux, des armes, des habits…), et aussi la recherche du paraître, notamment par l’acquisition de vêtements somptueux caractérisés par la richesse des matériaux, entre autres la soie et les fourrures. Mais ce qui va bouleverser radicalement les rapports entre gens de cour, c’est la nouvelle relation qui s’établit entre les hommes et les femmes. Noter la présence de cet aspect dans la définition de Frappier : l’homme courtois est celui qui sait être attentif aux autres, particulièrement aux femmes, et de même les femmes seront courtoises dans la mesure où elles sauront se préoccuper des autres, notamment des hommes, sachant leur parler mais aussi leur venir en aide, si cela est nécessaire. On voit comment cet idéal instaure une étonnante égalité entre les sexes, du moins au sein de la vie de cour ! En outre, une nouvelle conception de l’amour apparaît en même temps, qu’on nomme « amour courtois » mais qu’il est plus juste d’appeler « fin’amor » selon la terminologie de l’époque, amour affiné, épuré, que nous allons essentiellement définir à travers les textes littéraires que nous allons étudier.
En effet, si la société connaît les changements que nous venons d’indiquer, une autre transformation qui a partie liée avec cette évolution nous intéresse au premier chef : c’est la naissance de la littérature en langue vulgaire, donc le tout début de la littérature française. Jusque-là, il y avait bien une littérature, surtout historiographique et religieuse, mais elle était écrite en latin. Les seuls lettrés étaient les religieux, les clercs, qui avaient fréquenté les écoles et rédigeaient des livres de chroniques, des commentaires de textes bibliques, voire des poèmes. Le français était réservé à l’usage oral. Mais lorsque les mœurs des laïcs, du moins celles des nobles, qu’ils soient dames ou chevaliers, gagnèrent en raffinement et en délicatesse grâce au développement de la courtoisie, c’est aussi le besoin de s’instruire qui se fit sentir. Les clercs assumèrent la tâche de médiateurs, acceptant de partager leur savoir, ce qu’ils firent notamment en traduisant des textes latins en français afin de les rendre accessibles aux laïcs. En outre, comme on va le voir avec la présentation des premiers poèmes, la diffusion orale a joué un rôle crucial dans le rayonnement de ces premières œuvres littéraires car au XIIe siècle, dames et chevaliers sont dans leur grande majorité illettrés. C’est aussi le cas des premiers romans, qui sont très certainement lus par un lettré devant le public qui compose la cour de tel ou tel seigneur. En tout cas, la littérature entretient un double rapport avec le développement de la courtoisie : d’un côté, son émergence représente une des conséquences de cette transformation, donnant aux laïcs la possibilité de s’instruire, voire de devenir eux-mêmes artistes, de l’autre elle constitue un des puissants leviers pour transmettre largement l’idéal de courtoisie, aussi bien dans ses valeurs sociales que dans la toute nouvelle conception de l’amour.
Il est temps de passer aux textes afin de voir comment l’idéal courtois nourrit l’éclosion de notre première littérature. Nous en avons choisi quatre : deux poèmes de troubadours parmi les plus célèbres, Guillaume IX et Bernard de Ventadour, et deux extraits de romans de Chrétien de Troyes, notre premier romancier, l’un d’Erec et Enide et le second de Perceval ou le Conte du Graal.
1. Guillaume IX
Personnage politique important puisqu’il fut à la fois comte de Poitiers et duc d’Aquitaine et qu’à ce titre, il gouvernait un territoire bien plus vaste que celui du roi de France dont il était toutefois le vassal, sa vie nous est pour cette raison assez bien connue. Né en 1071 et mort en 1127, son activité chevaleresque est témoignée par ses faits d’armes au Moyen Orient dans le cadre de la croisade et en Espagne contre les Musulmans ; il fut marié deux fois et eut plusieurs maîtresses. On le dépeint comme un homme d’une forte personnalité, jovial, facétieux, rebelle, mais c’est surtout le premier troubadour connu, dont 10 poèmes nous sont parvenus, poèmes, il faut le souligner, qui sont des chansons puisque le troubadour (du verbe « trobar » = trouver) compose un texte, mais aussi la musique qui l’accompagne et que c’est sous cette forme que le public en prendra connaissance. Le ton de ces poèmes varie, parfois désabusé, parfois cynique. Dans l’un, il n’hésite pas à comparer les femmes à des juments qu’il s’agit de savoir monter. Pourtant c’est bien avec Guillaume IX qu’apparaissent aussi pour la première fois les motifs de la fin’amor, comme on va le voir dans le poème « À la douceur du temps nouveau », qui instaure une nouveauté radicale. Voyons pourquoi.
1ère strophe : introduit le motif du printemps ; le renouveau de la nature est comparé au sentiment nouveau : même élan de bonheur, même énergie vitale, bien évoqués dans la longue phrase qui occupe les 4 premiers vers. Ce qui est privilégié dans l’évocation de la « reverdie », c’est le chant des oiseaux, qui bien sûr fait référence au chant du poète, rapprochement que l’on retrouvera aussi bien à la Renaissance que dans la poésie moderne, notamment chez Paul Éluard. On relève l’harmonie imitative des sonorités (« dolçor », « aucel », « chanton », « chascun », « chan ») et aussi l’image amusante utilisée pour exprimer le gazouillis des oiseaux, parlant dans leur « latin », langue savante mais aussi difficile à comprendre. La conclusion donnée dans les deux derniers vers, c’est que le printemps doit encourager au bien-être, à la réalisation du désir. L’amour est encore exprimé de façon voilée, euphémistique.
2ème strophe : après ces considérations générales surgit le JE du poète, omniprésent dans cette strophe. Toutefois, il nous confie ses sentiments de manière détournée, en nous peignant l’attente, l’incertitude dans lesquelles il se trouve. Le présent se réduit à l’instant, prolongé il est vrai, où il guette l’arrivée d’un messager. Noter aussi la périphrase employée pour évoquer la dame : il attend un message « de là où cela m’est bon et beau ». Mais ce qui est le plus surprenant et qui deviendra une caractéristique de la fin’amor, c’est la réserve, la soumission de l’amant : « je n’ose m’avancer ». Quand on pense à l’audace du chevalier toujours prêt à s’élancer dans le combat sans craindre la mort, quand on connaît les accents misogynes exprimés ailleurs par le poète, ou du moins sa fougue toute masculine pour venir à bout de ses proies féminines, on mesure la radicale nouveauté dont se teinte ici le sentiment amoureux.
3e strophe : enfin, pour la 1ère fois, le mot « amor » est prononcé, associé au possessif « notre » pour indiquer un sentiment partagé, alors que jusqu’ici seul le JE s’exprimait. Toute la strophe n’est constituée que d’une longue phrase dépliant la magnifique comparaison qui permet de réunir les deux thèmes des strophes précédentes, d’abord le printemps, puis l’amour. L’aubépine, fleur blanche et délicate, est aussi l’une des premières fleurs du printemps, donc vulnérable aux changements de température encore fréquents en cette période, surtout la nuit : la pluie et le gel. On relève l’anthropomorphisme « en tremblant » qui permet de rapprocher la fleur de l’amour et de ceux qui s’aiment sans être encore parfaitement sûrs des sentiments de l’autre. En revanche, les deux derniers vers traduisent une ouverture vers l’espoir avec l’évocation de la lumière, du soleil et de la chaleur.
4ème strophe : elle fait écho à la deuxième, avec la reprise du Je et des sentiments de l’amant, mais alors que celle-ci se limitait à évoquer le présent, la 4ème s’ouvre dans le temps, d’abord vers le passé dans les 4 premiers vers, puis vers le futur dans les deux derniers. Le passé permet de rappeler un souvenir heureux, celui de la promesse amoureuse, évoquée par le rite de l’anneau. L’image de la guerre pour signifier la dispute amoureuse réfère bien sûr au quotidien du chevalier, mais il importe de noter que c’est la femme qui donne son anneau et son amitié amoureuse. Tout recours à la force est exclu pour l’amant qui attend de la dame son accord ; elle s’arroge le rôle du seigneur (d’ailleurs, certains troubadours n’hésitent pas à l’appeler « mi dons », = ma seigneur) vis-à-vis de l’amant devenu vassal. Toutefois, la fin’amor est bien un amour charnel, nullement platonique, comme l’indique le geste très sensuel, délicatement érotique, qui clôt la strophe sur l’espoir de l’amant de glisser sa main sous le manteau de la dame.
5ème strophe : introduit un motif qui sera omniprésent dans la poésie courtoise, celui des « losengiers », des flatteurs qui sont aussi les rivaux, ceux qui prétendent eux-mêmes obtenir les faveurs de la dame. Pour se défendre contre eux, la fin’amor doit rester secrète, d’autant que le plus souvent la dame courtisée est mariée, d’où l’utilisation d’un « senhal » pour nommer la Dame, ici « Beau Voisin ». Noter la reprise du mot « latin », déjà utilisé dans la 1ère strophe, mais qui désigne ici les propos malveillants des jaloux. À ces vantardises, le poète oppose la réalité de l’amour exprimée ici de façon quelque peu triviale, avec l’image de la pièce (le morceau) et du couteau, évoquant ce que l’on mange pour satisfaire sa faim.
Ce poème, en apparence simple (voir les répétitions de quelques termes), offre en fait une structure travaillée et une composition très harmonieuse, que l’on retrouve dans le schéma des rimes. Sans doute la peinture de l’amour conserve-t-elle quelques traits un peu frustes, mais ce qu’a compris Guillaume IX et qui sera repris par tous les troubadours et les trouvères, c’est que le poème se développe dans l’espace du désir, de la tension vers la dame absente, laissant du même coup s’exprimer le rêve et le fantasme. Même si la majorité des poèmes conjuguent de ce fait douleur et joie de l’amant qui attend patiemment un geste d’amour de la dame – une lettre, un regard, un baiser…-, il arrive que le poète ne résiste pas au désespoir devant cette vaine attente. C’est ce que nous allons voir dans le poème de Bernard de Ventadour.
2. Bernard de Ventadour
Ce fut sans doute le troubadour qui connut, de son vivant même, le plus grand succès, comme l’atteste la quarantaine de poèmes que nous avons conservée de lui, parfois avec leur musique. Originaire de la région de Limoges, peut-être d’une famille modeste, il eut la chance de grandir au château de Ventadour, dont le seigneur Ebles II pratiquait le « trobar » et qui l’initia à l’art poétique. Il se rendit en Angleterre à la cour d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine (petite-fille de Guillaume IX) dans les années 1150, puis il séjourna à la cour de Raymond V à Toulouse avant de finir sa vie dans un monastère.
La chanson que je vous présente, très célèbre, est aussi une des plus désespérées. Mais ne dit-on pas que les chants désespérés sont les plus beaux ? Je vais commenter principalement la première strophe et la conclusion.
La « reverdie » est évoquée ici seulement par le vol de l’alouette, mais quel extraordinaire début avec ce puissant mouvement vers le haut dans les deux premiers vers (« contra’l rai »), cet envol quasi vertical, comme si l’oiseau, qui, ne l’oublions pas, est toujours une image du poète, voulait rejoindre le soleil. Puis, dès le 3ème vers s’amorce la descente, amortie encore pour ainsi dire (l’alouette se laisse tomber), la joie a été remplacée par la douceur ; c’est une sorte d’abandon au sentiment de plénitude (« elle s’oublie »). Dans le vers 5 intervient une brusque rupture avec l’interjection « hélas ! » qui introduit la proposition principale. Le poète était en effet seulement spectateur de cette joie (« quand je vois… »), aussi prend-il conscience de son exclusion, de sa différence : il mesure sa souffrance d’amant dont le désir est vain, puisqu’aucune satisfaction ne vient le combler. Le mot « cœur » du dernier vers fait écho au « cœur » de l’alouette du v. 4, mais le néant a remplacé la plénitude.
Les strophes suivantes explicitent ce sentiment de souffrance tout en l’exacerbant. La chute de la fin de la première strophe ne cesse de se prolonger dans une série d’images et de comparaisons particulièrement sombres : l’amant s’est perdu dans le miroir offert par les yeux de la dame comme Narcisse s’est noyé en regardant son image dans l’eau, il a fait comme le fou sur le pont, inconscient de la chute possible. Le poète reproche à la dame de l’avoir totalement anéanti puisqu’il s’est donné complètement à elle sans rien recevoir en échange. L’amère désillusion causée par sa dame le conduit à étendre à toutes les femmes son sentiment de défiance. La conclusion est malgré tout étonnante car le fin’amant d’habitude supporte tout sans broncher et se plaît à se présenter comme un martyr d’Amour. En revanche, Bernard de Ventadour décide de tout abandonner : il part en exil et renonce aussi bien à l’amour qu’au chant. Conclusion radicale mais qui confirme on ne peut mieux la solidarité de l’amour et du chant dans la poésie courtoise : aimer, c’est chanter, et chanter, c’est aimer. En désespérant de l’amour et de sa dame, le poète a perdu toute raison d’écrire des chansons, on peut même dire que sa vie a perdu tout son sens, comme l’indiquent bien ses propres mots répétés dans la dernière strophe et dans la tornada : « je m’en vais, je ne sais où ».
Nous allons abandonner la poésie pour le roman, mais en fait nous ne nous éloignons pas beaucoup d’elle au moins pour deux raisons. Chrétien de Troyes, que nous allons étudier en tant que romancier, fut aussi un trouvère (équivalent en langue d’oïl du terme « troubadour » de la langue d’oc), comme l’attestent les deux poèmes que nous avons conservés de lui. Même si, comme nous le verrons, il interprète à sa manière la fin’amor célébrée par les troubadours, ses romans montrent qu’il connaissait très bien les motifs de la chanson courtoise qu’il réutilise avec beaucoup d’habileté, notamment l’association de la joie et de la douleur qu’induit le désir amoureux. La seconde raison est que le roman tel qu’il s’écrit au XIIe siècle, en vers d’octosyllabes à rimes plates, comporte de nombreux procédés de rythme et de sonorités, qui sont ceux-là même que l’on trouve dans les chansons courtoises.
3. Chrétien de Troyes
Disons d’abord un mot de cet auteur, dont nous ne savons pas grand-chose d’autre que ce qu’il nous apprend dans les prologues de ses romans. C’est très probablement un clerc : il connaît parfaitement le latin puisqu’il a commencé par traduire en français des œuvres d’Ovide. Son nom, Chrétien de Troyes, laisse supposer que ses origines sont champenoises ; lui-même indique qu’il a travaillé pour la comtesse Marie de Champagne (fille d’Aliénor d’Aquitaine et du roi de France Louis VII). Si l’on ignore ses dates de naissance et de mort, on peut du moins dire qu’il a été actif entre 1170 et 1190, période pendant laquelle il écrivit 5 romans (le dernier, Perceval, inachevé, sans doute en raison de sa mort). Son œuvre introduit deux nouveautés de taille : il recourt le premier à la « matière de Bretagne », à savoir l’histoire du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde, qui était colportée oralement par les jongleurs sous forme de contes assez brefs, et il fonde le genre romanesque en se servant de ces trames pour composer des histoires où les personnages acquièrent profondeur et complexité, tout en incarnant le nouvel idéal courtois sous ses multiples facettes. Nous allons donner deux exemples de la maîtrise romanesque de Chrétien, en même temps que de son talent poétique. Le premier est pris au premier roman, le second au dernier.
- Erec et Enide
Comme la plupart des romans arthuriens dont Chrétien inaugure le genre, tout commence à la cour du roi Arthur. Erec est un tout jeune chevalier, d’origine prestigieuse puisqu’il est fils de roi, et comme de nombreux fils de nobles, il est venu séjourner auprès d’Arthur pour apprendre aussi bien les vertus courtoises que chevaleresques. Lors d’une chasse organisée par le roi pour capturer le blanc cerf, Erec, qui a préféré rester à l’écart auprès de la reine Guenièvre et de sa suivante, est confronté à un chevalier peu courtois, accompagné d’un nain qui frappe violemment la suivante de la reine. C’est le déclenchement de l’aventure : Erec part aussitôt à la poursuite du chevalier et de son nain pour venger cet affront, ce qui le conduit dans un bourg où il est hébergé par un pauvre vavasseur qui lui prête ses armes afin d’affronter en duel le chevalier arrogant, que bien sûr il vaincra. Mais surtout, c’est l’occasion pour notre héros de rencontrer Enide, la fille du vavasseur, dont la beauté et la simplicité l’éblouissent, au point qu’il décide aussitôt d’en faire son épouse. La première partie de l’œuvre s’achève ainsi sur la célébration des noces, organisée en grandes pompes à la cour d’Arthur.
Après ce début qui a toutes les allures d’un conte de fée commence véritablement le roman. En effet, alors que le couple a regagné le royaume dont Erec est originaire et qu’il file le parfait amour, une grave crise se produit, mettant en péril l’harmonie qui régnait jusque-là entre eux. Chrétien joue à merveille sur le paradoxe puisque, comme on va le voir dans l’extrait, c’est justement parce qu’Erec éprouve auprès d’Enide un extrême bonheur qu’il en oublie tous ses devoirs de chevalier et encourt du même coup l’accusation de lâche. (Lecture)
Chrétien brosse ci une scène d’intimité d’une grande délicatesse, où les amants sont montrés juste après leurs ébats amoureux (« bouche contre bouche, entre les bras l’un de l’autre »), scène toute en douceur, en clair-obscur, et qui est en même temps la dernière de cette période heureuse de leur vie : le dialogue qui succède à ce bel échange de gestes amoureux déclenche en effet une décision qui bouleversera profondément leur destinée. Le coup de génie de Chrétien, c’est d’avoir choisi Enide pour être celle qui va transmettre la rumeur infâmante à son mari. En fait, à partir de cette scène et pendant une grande partie de la suite, nous verrons tous les événements par le regard et la pensée d’Enide sans avoir accès à ceux d’Erec. Ici le long monologue intérieur d’Enide nous communique très précisément ses pensées. Noter comment son regard, qui contemple son mari nu couché près d’elle (regard audacieux et sensuel de la jeune femme, s’attardant sur le « beau corps » et le « clair visage » de son époux), est associé au regret et à la tristesse que suscite le souvenir des propos infâmants qui circulent sur le compte d’Erec. Une autre thématique chère à Chrétien, qui découle de la courtoisie mais aussi des valeurs chrétiennes qui marquent sa conception de la vie, c’est le sentiment de culpabilité ressentie souvent par ses personnages. Voyez comment ici Enide s’estime entièrement responsable du déshonneur qui frappe Erec puisque c’est depuis qu’il la connaît qu’il a oublié toute activité chevaleresque : « c’est donc moi qui l’ai couvert de honte », affirme-t-elle. Ce sentiment de culpabilité témoigne de sa générosité, mais aussi de sa lucidité ; après tout, si Erec avait été un peu attentif à ce qu’on disait autour de lui, il aurait pu prendre conscience lui-même des réactions hostiles que suscitait son comportement ! On relève d’ailleurs l’opposition significative entre les deux personnages dans cette scène : elle veille, tandis que lui dort encore. Or, même si cette lucidité provoque la crise et se traduira d’abord par la perte du bonheur, elle s’avèrera salutaire et permettra au couple de retrouver une harmonie beaucoup plus solide qu’elle n’était précédemment. C’est dire le rôle clé que confère Chrétien à son héroïne. En même temps, on relève que l’amour porté par Enide à Erec s’accompagne d’un très grand respect à son égard, voire de soumission à son autorité. Même si le terme « sire, seigneur » est polysémique et peut vouloir dire « mari », elle le considère comme « son seigneur ». Voyez comment elle préfère garder le silence sur la rumeur qui circule, craignant la réaction de son époux. Et ce n’est que parce qu’il la forcera pratiquement à parler qu’elle révèlera ce qu’elle a appris. Notons-là encore l’habileté de Chrétien : Erec se réveille à cause des paroles qu’il lui a entendu prononcer : « con mar i fus ». Ces mots correspondent en fait à la fin du monologue d’Enide et du même coup demeurent ambigus, du moins pour Erec. « C’est pour ton malheur que tu es allé là-bas ». En fait, Erec, du fait même qu’Enide lui a transmis la nouvelle de son déshonneur, ne pourra s’empêcher de penser que sa femme doute de ses propres qualités chevaleresques. D’où la froideur et la dureté qu’il va lui manifester par la suite, avant de retrouver totalement confiance en elle.
Cet extrait dévoile la finesse de l’analyse psychologique de Chrétien, notamment par rapport à son personnage féminin. Si la fin’amor qu’il met en scène se distingue de celle que chantaient les troubadours et les trouvères, amour adultère et non conjugal comme ici, elle n’en implique pas moins une série de nuances très riches qui conjuguent la sensualité, l’attention à l’autre et un équilibre délicat entre la volonté de la femme et celle de l’homme. En outre, la nouveauté introduite par Chrétien grâce au genre romanesque, c’est d’adopter le point de vue de la femme, alors que la poésie des troubadours et des trouvères expose toujours le point de vue de l’Amant.
Enfin, pour bien comprendre l’enjeu de la scène que nous venons de lire, il convient de résumer la suite du roman. Dès qu’Erec apprend par la bouche d’Enide qu’il est accusé de « recreantise » par les barons du voisinage, il ordonne à sa femme de se préparer à partir. Lui-même s’arme et ils se mettent en route, après qu’il lui a commandé de chevaucher devant lui et de ne pas ouvrir la bouche, quoi qu’elle voie ou pense. Au fur et à mesure de leur chevauchée, ils vont rencontrer une série d’ennemis de plus en plus nombreux et menaçants. Chaque fois, Enide sera confrontée au dilemme de respecter l’ordre de son époux ou bien d’avertir Erec puisque c’est elle qui chaque fois découvre la première le danger qui les menace. Chaque fois, Erec lui reproche durement d’avoir enfreint l’interdiction, mais en même temps il ressort toujours vainqueur de ses adversaires, aussi nombreux soient-ils. Si, au début de ces aventures, tout nous est seulement conté par le point de vue d’Enide qui ne cesse de se reprocher sa folle parole et dont on partage la terrible anxiété face aux dangers que court Erec, peu à peu Chrétien nous dévoile les pensées de son héros. Erec a certes voulu punir son épouse d’avoir trop parlé et d’avoir prêté l’oreille aux propos diffamants, mais il se rend compte que tout le comportement d’Enide est dicté par l’amour immense qu’elle lui porte. Cette série d’aventures leur permettra de renforcer l’unité de leur couple aussi bien que de conjuguer amour et chevalerie, afin de répondre à un idéal courtois que Chrétien conçoit avant tout comme l’association de l’épanouissement individuel et du bien que l’on apporte à la communauté dans laquelle on vit.
- Perceval ou le Conte du Graal
Ce dernier roman est riche, complexe et d’une interprétation difficile, d’abord parce qu’il est resté inachevé, mais aussi parce que Chrétien introduit pour la première fois dans la littérature européenne un motif issu de la mythologie celtique et qui connaîtra une belle fortune : le motif du Graal. Nous ne nous intéresserons pas à cet aspect pourtant passionnant, préférant en rester à la thématique que nous avons choisie, celle de la courtoisie et de la fin’amor. Il est clair qu’en introduisant le Graal dans sa dernière œuvre, l’auteur entendait dépasser les valeurs profanes, dont témoignaient ses personnages dans les romans précédents, par des valeurs plus spirituelles, mais nous en resterons aujourd’hui à mi-parcours de l’itinéraire suivi par son héros.
Commençons par situer la scène que nous avons choisie de commenter et qui se situe un peu après la visite de Perceval au château du roi pêcheur, où il lui est donné de voir le Graal, mais où il échoue à poser les questions qui auraient permis de libérer le château de la malédiction qui pèse sur ses habitants. Qui est Perceval ? C’est un jeune sauvageon élevé par sa mère au fin fond d’une forêt « gaste ». Cette femme, qui a perdu son mari et deux de ses fils dans les combats chevaleresques, s’est juré que son plus jeune fils n’entendrait jamais parler de chevalerie. Toutefois, un jour, tandis qu’il s’exerce au javelot dans les champs de sa mère, Perceval rencontre trois chevaliers : ils lui paraissent si extraordinaires qu’il décide aussitôt d’aller se faire adouber chevalier par le roi Arthur, au grand désespoir de sa mère qui ne survivra pas à son départ. Le roman conte toutes les aventures qui vont aboutir à la formation du héros, Chrétien mêlant de façon très habile l’aspect sérieux de cet apprentissage au comique du personnage dont la naïveté et la maladresse prêtent souvent à rire. C’est d’abord le métier des armes qu’il apprend auprès d’un maître qui l’éduque et lui donne maints conseils pour se comporter en homme courtois. Puis c’est l’amour qu’il découvre avec la rencontre de Blanchefleur qui l’initie au plaisir amoureux, tandis que lui-même, grâce à sa hardiesse, triomphe de l’adversaire redoutable qui assiégeait le château de Blanchefleur. Toutefois, il décide de quitter sa jeune amie et le château de Beaurepaire afin de poursuivre ses aventures. Au moment où commence notre extrait, il est sur le point de retrouver le roi Arthur et sa cour, qui ont décidé de partir à sa recherche, quand survient la scène suivante (Lecture).
La scène marque une pause dans le récit : le héros qui jusqu’ici se consacrait à l’action, comme le marquent ses premières activités matinales (se lever tôt, aller droit vers la prairie), se trouve soudain interrompu dans ce qu’il avait l’intention de faire. Le paysage lui-même se présente comme une vaste étendue blanche. S’instaure une sorte de vide, une parenthèse s’ouvre dans le récit, qui va déboucher sur une longue rêverie : « Perceval muse ». La scène se déroule en deux volets étroitement solidaires, où Perceval se contente d’être spectateur. C’est d’abord la scène de chasse qui se déroule en plein ciel qui attire son regard : un vol d’oies sauvages, elles-mêmes caractérisées par leur blancheur, attaquées par un faucon qui va s’en prendre à la plus vulnérable, celle qui est à l’écart du groupe, pour la blesser et provoquer sa chute. Tout en suivant le regard de Perceval, l’auteur excelle à rendre la fulgurante rapidité de l’action : le mouvement horizontal des oiseaux volant, puis le mouvement vertical de l’oie qui s’abat blessée sur le sol. Dans le silence ouaté de ce paysage de neige, le terme « bruiant » suggère à la fois le froissement d’ailes des oies s’enfuyant devant le danger de même que leurs cris effarouchés. Comment ne pas voir en outre que les oies représentent l’élément féminin, délicat, vulnérable, devenu proie, tandis que le faucon représente l’élément masculin, le prédateur, l’agresseur ? D’ailleurs, les termes « liër » et « joindre » du vers 4117 peuvent nous paraître légèrement déplacés, suggérant davantage l’accouplement que la volonté du faucon de tuer sa proie pour s’en repaître. En tout cas, après cette amorce dramatique, qui laissait craindre le pire, la scène de chasse est suspendue : le faucon interrompt son attaque, l’oie elle-même parvient à s’envoler à nouveau. L’action laisse totalement place à la contemplation.
S’ouvre alors le second volet de la scène. Jusque-là le regard de Perceval était tourné vers l’extérieur seulement. Maintenant, son regard va certes capter une réalité, mais pour la transformer en signes. Quelle est cette réalité ? Elle est en fait toute simple : il s’agit d’un espace blanc de neige sur lequel apparaissent les trois gouttes de sang laissées par l’oie. Extraordinaire contraste entre le rouge et le blanc, qui ne peut qu’évoquer les couleurs vives des miniatures dont on ornait à l’époque les plus beaux manuscrits. Mais surtout, ces deux couleurs sont particulièrement prisées des poètes qui y ont recours pour dépeindre la beauté du visage de la dame. Cet idéal esthétique prête en effet à la dame un teint de lys, qui doit être rehaussé par du rouge, pour signifier la fraîcheur et la vie ; ce rouge, c’est celui de la bouche et celui des pommettes. Chrétien connaît bien ces caractéristiques de la beauté féminine que célèbrent les trouvères dans tant de poèmes quand ils font l’éloge de leur dame. Et c’est bien une attitude de fin amoureux qu’il attribue ici à Perceval, dans cette rêverie érotique qui lui procure tant de plaisir, alors même qu’il s’est éloigné de Blanchefleur, et qu’il peut donc penser à elle, l’imaginer avec toute l’intensité du désir. On peut dire que d’une certaine manière Perceval devient ici poète, transfigurant la réalité pour lui faire dire autre chose que ce qu’elle est, projetant le portrait de la femme aimée dans ce paysage épuré.
Mais en même temps, si cette scène acquiert pour le lecteur tant de force, c’est que la peinture esquissée du visage féminin suit la scène de chasse dans laquelle le faucon agresse l’oie, c’est que la tendresse fait suite à la violence, c’est que le point commun des deux volets de la scène, le sang se détachant sur le blanc, ne peut que faire signe vers une autre scène, celle d’une défloration. Le romancier Jean Giono s’en souviendra dans l’une de ses plus belles œuvres, Un roi sans divertissement, lorsque, avant de se suicider, son héros, le capitaine de gendarmerie Langlois, qui enquête sur des crimes commis toujours mystérieusement sur des femmes au plus fort de l’hiver, contemplera lui-même le sang versé par une oie sur la neige.
En conclusion, nous avons vu à travers quatre échantillons de la littérature française au XIIe siècle, deux poèmes de troubadours et deux fragments de romans de Chrétien de Troyes, comment le renouveau artistique que connaît cette période a partie liée avec l’idéal courtois. C’est d’abord l’affirmation de qualités qui ont pour point commun l’attention à l’autre car, qu’il s’agisse de la « largesse » comme aptitude au don sous son aspect matériel, ou bien du soin à paraître manifestée dans la recherche vestimentaire, ou, plus subtilement et plus essentiellement, de la prise en compte des pensées de l’autre, de ses sentiments ou de ses attentes, la courtoisie manifeste toujours une exigence qui chaque fois dépasse la satisfaction de ses propres intérêts et pulsions pour exprimer le souci de l’autre. Or cet autre implique la femme, vue dans sa différence, mais aussi dans ses droits à figurer à la cour au même titre que les hommes. Certes, il serait anachronique et faux de parler de « féminisme » pour la société courtoise et la femme de la société occidentale mettra encore beaucoup de temps à acquérir une égalité de droits avec l’homme. Mais, même si nous n’avons affaire qu’à un roman, il est tout de même étonnant de voir Enide partir en aventure avec son mari, le chevalier Erec. Certes, elle n’est pas là pour livrer combat, mais comme s’en rendra compte bien vite Erec, elle assume un rôle très efficace afin de veiller sur les multiples dangers qui les guette ! En outre, comme on l’a vu, l’avènement de la courtoisie coïncide avec l’invention de la fin’amor qui, loin d’être un amour utopique ou idéalisé, considère le sentiment amoureux dans ce qu’il a de plus réel et de plus intense, à savoir le désir. C’est parce que le poète privilégie la force inhérente au désir amoureux, tout en différant sans cesse sa satisfaction, que s’ouvre pour lui l’espace du rêve, si fécond à la création artistique.
米歇尔·格兰-拉法特:法国文学的黎明
中世纪的法国文学异常丰富——从12世纪到15世纪,四个世纪——可是还不太被人所知(尤其是在法国!),我选择讲它的开头,是因为那是一个艺术非常繁荣的时期,对整个欧洲文学史都有着决定作用,至少对两种文学体裁是这样的:诗歌和小说。几个例子:行吟诗人的歌谣,因为他们在法国国内到处流浪,也去到外国,所以这些歌谣很快被英国、西班牙、意大利等国所了解。意大利文学之父但丁·阿利吉耶里,《神曲》(1321)的作者,非常感激行吟诗人,对他们怀有深深的敬意。而特洛瓦的克里斯蒂安的小说,在作者还在世的时候甚至传播到了北欧:12世纪末就被翻译成了德语。正是根据特洛瓦的克里斯蒂安最后一部小说《珀西瓦尔》的德译本,瓦格纳在1882年写了他最有名的歌剧之一《帕西法尔》。还有很多例子可以证明中世纪文学对现代作家的决定性影响:就说20世纪吧,诗人雅克· 鲁波,潜在文学工场的代表人物之一,熟知行吟诗人诗歌,而朱利安·格拉克的《渔夫国王》则是重写了珀西瓦尔的故事。
但我们想要表现的是新的精神,它灌输和滋养了这种双重诞生,在某些方面,新的和现代的价值观,随着诗歌和小说的创作而出现。当然,我们也应该强调这些行吟诗人使用的创作方法非常复杂,而他们使用的古法语,虽然离现代法语不远,但对外国人来说也是一个额外的困难。我只想说,这些法国最早的文学作品,这要归功于不可否认完美的作者的天赋,堪比同时期法国建造的最早的大教堂,其审美呈现出明显的共同点,特别是通过对光线和色彩的品味——想想用于装饰大教堂的彩色玻璃艺术——以及寻找美丽的构图,特别是追求对称和对比的效果。
为了定义激发十二世纪诗歌和小说创作特征的新精神,一个词是必不可少的:它是“风雅”(courtoisie),我们将尝试识别它的丰富涵义。它的词源是什么?“风雅”来自“宫廷”(cour,在古法语中最后有个t)。宫廷,是领主的随行人员,领主是强大的,管辖一片宽广的领土,一个王国,或者他的权力没那么大,那就掌管伯爵或子爵的封地。这些随行人员起初基本上具有军事功能。宫廷是战士,其中骑士很快就扮演了一个重要的角色,他们确保了对领主的保护,并协助他向邻居开战。但这个词马上有了新的含义,因为封建社会变得更加和平(基督教对这一发展具有决定性的影响),这在经济方面也更为富裕。这种演变可以精确地定位于十一世纪的最后几十年和十二世纪的上半叶。那时,战斗中的威力和勇气将不再足以定义贵族阶级的理想,并且“风雅”和“风雅的”这些词语将会出现。以下是研究中世纪的学者让·弗拉皮尔给出的定义:
“风雅意味着道德的完善,对奢侈的追求,休闲,礼貌,风度翩翩,对礼仪规范的尊重,以及对宫廷中高贵女性的关爱。 但中世纪的风雅不仅仅是礼貌和殷勤的标志。它还包括一种爱的艺术。它深化并发展成为一种心理学和一种爱的道德”。
这是一个非常丰富的概念,它定义了一种新的生活方式。高贵与“低贱”的区别在于他的彬彬有礼的优点,其中排在最前的优点之一就是慷慨,指有能力给(钱,马,武器,衣服......),以及对外表的追求,表现为购买用丝绸和毛皮等材料制成的华丽服装。但是,彻底打破宫廷里的人们之间关系的,是男女之间建立的新关系。注意让·弗拉皮尔在这方面的界定:风雅的男人懂得关心别人,特别是妇女。同样,风雅的女性也是指会关心人,包括男人,知道如何与他们交谈,但如有必要,也帮助他们。我们看到这种理想如何在两性之间建立起惊人的平等,至少在宫廷生活中如此!此外,一种爱的新概念出现在同一时间,被称为“宫廷爱情”,在当时更准确的说法是“fin’amor”,典雅爱情,我们将基本上通过我们将要研究的文学文本来定义这一爱情。
事实上,大众知道我们刚才所说的变化,是因为与之相连接的另一个变化:白话文学的诞生,也意味着法国文学的开始。在那之前,确实有一种文学,特别是史学和宗教,但它是用拉丁文写的。唯一的学者是上学并编写编年史书籍、圣经文本评论甚至诗歌的神职人员。法语仅供口头使用。但是,当俗人的道德品行,至少是那些贵族,无论是淑女还是骑士,因为风雅的发展变得优雅高尚,这也意味着人们感到受教育的需要。神职人员承担了中间人的职责,同意分享他们的知识,他们将拉丁语文本翻译成法语,让普通人得以阅读。此外,从早期诗歌的出现可以看出,口头传播在早期文学作品的兴盛起到了至关重要的作用,因为在12世纪,贵妇和骑士绝大多数是文盲。最早的小说也是这样的,这些小说在领主们的宫廷里肯定是由学者阅读给听众的。在任何情况下,文学和风雅的发展保持着双重关系:一方面,它的出现是这一转变的后果之一,给非宗教人士学习的机会或者他们自己成为艺术家,另一方面,它对于风雅的理想来说是一个强大的杠杆,可以广泛传播风雅的社会价值和爱的新概念。
现在是时候去看文本,看看理想的风雅如何滋养我们的第一批文学。我们选择了四种:两首由最有名的行吟诗人写的诗歌,纪尧姆九世和贝纳尔·德·旺塔杜尔,以及我们的第一位小说家特洛瓦的克里斯蒂安小说的两个节选片段,一个选自《艾雷克和艾尼德》,第二个选自《珀西瓦尔》。
1. 纪尧姆九世
重要的政治家,因为他同时是普瓦捷伯爵和阿基坦公爵,正因为如此,他管辖的领土比法国国王还要大,但他还是一个臣子,他的生活因为这个原因被大家知晓。他出生于1071年,于1127年去世,他的侠义活动体现在他曾加入十字军东征和在西班牙对穆斯林作战;他结婚两次,有几个情妇。他被描绘为有强烈的个性,开朗,调皮,叛逆,他也是第一个已知的行吟诗人,他有10首诗留存,诗歌,必须强调,那其实是一些歌词,因为行吟诗人(,行吟诗人法语为troubadour,来自动词trobar=找到)写出文本,同时也写出配乐,在这种形式下,公众才能了解它。这些诗歌的情绪各不相同,有时是幻想破灭,有时是愤世嫉俗。其中有一首里,他毫不犹豫地将女性与母马进行比较,认为这是一个需要骑行的问题。然而,正是纪尧姆九世的诗歌里首次出现了“典雅爱情”,在《新时代的甜蜜》一诗中可以看到。让我们看看为什么。
第一节:介绍春天的主题;将自然的更新与新的感觉进行比较:幸福的冲动,同样的生命能量,在占据前四行的长句中得到很好的体现。在表现“春回大地”时,着重提到鸟儿的歌唱,这也是与诗人的歌声作比较,在文艺复兴和现代的诗歌中都可找到这一手法,尤其是在保罗·艾吕雅的诗里。我们也能看到音乐的和谐(dolçor, aucel, chanton, chascun, chan)还有用于描写鸟鸣的有趣形象,鸟儿们像在讲它们的“拉丁语”,智慧的语言但也很难懂。最后两句诗是总结,讲春天应该鼓励幸福安康和欲望的实现。爱仍然以一种隐喻、委婉的方式表达出来。
第二节:在这些泛泛的描写之后,诗人的“我”出现了,在这一节中无处不在。 然而,他以迂回的方式向我们倾诉他的感受,描绘了他心怀的期待和不确定。 现在被缩短到这一刻,被延长的这一刻,他期待着信使的到来。 还要注意提到这位女士的迂回方式:他等待着一条信息“来自那个对我来说很好很美的地方”。 但是最让人惊讶的是,而这将成为“典雅爱情”的一个特征:退缩,情人的屈服:“我不敢前进”。 当一个人想到大胆的骑士总是随时准备开始战斗而不担心死亡时,当我们知道诗人在其他地方表现出厌恶女性,或者至少是他对克服女性猎物的男性热情,我们要衡量一下这里描绘爱情的激进的新意。
第三节:终于,第一次,“爱情”这个词出现了,和主有形容词“我们的”连在一起,表示一种共享的感觉,而直到目前,只有“我”在说话。整个这一节只包括一个长句,展开了宏伟的比较,把前两节的两个主题联接在一起,第一个是春天,第二个是爱。山楂花,是一种精致的白花,也是春天的最早开放的花之一,因此容易受到这个季节频繁的温度变化的影响,特别是在夜间:雨和霜。诗人使用了拟人的手法,用“颤抖”这个词,把花和爱情,还有那些彼此相爱而又不完全确定对方情感的人进行类比。另一方面,最后两句诗把希望显形为光明,太阳和热度。
第四节:呼应第二节,重新提到“我”和爱人的感情,但第二节仅限于提到现在,第四节则在时光中展开,前四句追忆过去,后两句展望将来。过去可以回想起一段幸福的回忆,那就是爱的承诺,通过说到戒指的仪式表现出来。战争的意象是指这位骑士日常生活中与爱人的争吵,但是要注意的是,是女士给予戒指和爱情。对于希望得到女士同意的情人,所有诉诸武力的行为均被排除在外;她相当于领主(事实上,有些行吟诗人毫不犹豫称呼女士为mi dons,即我的领主)而她的情人则是臣仆。然而,“典雅爱情”是肉体的爱情,绝非柏拉图式恋爱,从最后一句中说到的,即主人公希望把手伸进女士大衣里面这一非常性感的手势中可以看出。
第五节介绍了将在宫廷诗歌中反复出现的一个元素,就是指“佞人”,他们善于讨好别人,但也是主人公的情敌,他们声称自己想得到女士的青睐。为了抵御他们,“典雅爱情”必须保密,尤其是被追求的女士通常已经结婚了,因此用“senhal”来称呼女士,这个词意为“美丽的邻居”。请注意“latin”这个词的重复,已在第一节中出现,但这里指的是嫉妒者的恶意言论。针对这种吹嘘,诗人在这里用爱情的真实存在做了回应,表达有些粗俗,使用了刀和面包的意象,说明他已经吃了东西平息饥饿。
这首看似简单的诗(见一些词语的重复)实际上提供了一种琢磨过的结构和一种非常和谐的构图,可以从它的押韵中看出。毫无疑问,爱情的描绘保留了一些相当粗糙的特征,但是纪尧姆九世所理解的以及将由所有的行吟诗人和故事所引用的,是这首诗在欲望、对女士离去的紧张方面的发展,同时表达了梦想和幻想。即使大多数诗歌结合了情人的痛苦和喜悦,他耐心等待女士爱意的表示——一封信,一个表情,一个吻......——诗人在这种空虚的期望面前可能会绝望。这就是我们将在贝纳尔·德·旺塔杜尔的诗中将要看到的。
2. 贝纳尔·德·旺塔杜尔
这可能是同时期最有名的行吟诗人,从他留存下来的四十首歌可以证明,有的配乐也保留下来了。他出身于利摩日,家庭状况不太好,幸运地是他在旺塔杜尔城堡长大,城堡的领主艾伯乐二世喜欢创作行吟诗歌,也启发他了解诗歌艺术。12世纪50年代,他去了英国亨利二世和阿基坦的埃莉诺(纪尧姆九世的孙女)的宫廷,后来他又去了图卢兹雷蒙五世的宫廷,最后在一所修道院去世。
我要给你们介绍的这首诗歌,非常有名,也是最绝望的一首。但是,为什么人们不说绝望的歌是最美丽的呢?我将主要评论第一节和结论。
“再次变绿”在这里只由云雀的飞行提到,但前两行诗中说到这种往高处的有力运动,这样的开头多奇妙啊,这几乎是垂直飞行,仿佛这只小鸟,我们不要忘了,始终代表诗人的形象,要达到太阳。然后,从第三行诗中鸟儿逐渐开始下降(云雀仿佛掉了下来),快乐被温柔取代;这是一种对完满感的放弃(“它被遗忘了”)。在第五句中,用引导主句的感叹词“唉”带来一种突然的决裂。诗人确实只是欢乐的见证(“当我看到...”),他也知道对他的排斥,他的不同:他掂量了他做为情人的痛苦,其愿望是徒劳的,因为没有任何满足能填补他。最后一个词“心脏”与第四句诗里云雀的“心脏”相呼应,但虚无代替了完满。
下面的诗节解释了这种痛苦的感觉,同时再加激烈地表现出来。第一节结尾的崩塌继续在一系列图像和特别阴沉的比较中延伸:情人迷失在女士的眼睛之镜中,如同纳西索斯因为注视水中倒影而溺亡,他在桥上像疯了一样,并不在意可能跌落。诗人指责这位女士已经完全摧毁了他,因为他毫无保留地付出没有收到任何回报。对他的女士极度的失望导致他扩展到所有女性的不信任感。结论仍然是惊人的,因为通常“典雅爱情”忍受一切毫不报怨,喜欢把自己表现为爱的殉道者。然而,贝纳尔·德·旺塔杜尔决定抛弃一切:他出发去流亡,也放弃喜欢这首歌。激进的结论,但这也证明了爱情与歌唱在宫廷诗歌中的和谐:爱就是唱歌,唱歌是爱。在对爱情和他的女士绝望之后,诗人已经失去了所有的理由去写歌,我们甚至可以说,他的生活已经失去了所有的意义,就像他在最后一节诗中重复的话语展现的那样:“我要走了,我不知道去哪里”。
我们将放弃诗歌转向小说,但实际上我们并没有远离它,至少有两个原因可以证明。特洛瓦的克里斯蒂安,我们将他作为一名小说家来学习,而他也是一个行吟诗人,有流传到现在的两首诗歌可以证明。即使,正如我们将要看到的那样,他以自己的方式解释了行吟诗人所赞颂的“典雅爱情”,他的小说对宫廷诗歌元素的熟练运用表明他很了解这些元素,特别是爱欲带来的快乐和痛苦的结合。 第二个原因是,这部小说是在十二世纪写成的,用八音节诗和平韵写成,包括很多运用节奏和音韵的方法,这些也是宫廷诗歌的表现形式。
3. 特洛瓦的克里斯蒂安
让我们首先谈谈这位作者,除了他在小说序言中说到的,我们对他没什么了解。他很可能是一名神职人员:他非常了解拉丁语,这从他把奥维德的作品翻译成法语可以看出。他的名字特洛瓦的克里斯蒂安表明他来自香槟地区;他本人表示他为玛丽·德·香槟伯爵夫人(阿基坦的埃莉诺和法国国王路易七世的女儿)工作。忽略他的出生和死亡日期,我们至少可以说,他活跃于1170到1190年,在此期间,他写了五本小说(最后一本《珀西瓦尔》,还未完成他就去世了)。他的作品引入了两个主要的新特性:第一个是他采用了“布列塔尼方式”,以行吟诗人口头讲述的亚瑟王和圆桌骑士的短故事为素材,第二个是他使用了小说的形式,用这些悲剧写了新的故事,为故事人物赋予了深度和复杂性,同时在多个方面体现新的宫廷理想。我们将举两个例子,证明他的小说和诗歌才能。第一个例子是第一部小说,第二个是最后一本。
《艾雷克和艾尼德》
像由特洛瓦的克里斯蒂安开创的大多数亚瑟王小说一样,一切都始于亚瑟王的宫廷。艾雷克是一位年轻的骑士,出身高贵,他是国王的儿子。像许多贵族的儿子一样,他在亚瑟王身边学习骑士与风雅的美德。在一次国王组织的猎鹿活动中,艾雷克,平时更愿远离王后桂妮维亚和她的侍女,却碰到了一个无礼的骑士在殴打王后的侍女。这是冒险的开始:艾雷克马上去追这个骑士,由此来到了一个小镇,一个贫穷的小贵族借给他武器让他去和傲慢的骑士决斗,最后他赢了。就是这时他碰到了艾尼德,小贵族的女儿,她的美貌和质朴迷倒了他,于是他马上决定娶她。第一部分以在亚瑟王宫廷中举行的盛大婚礼结束。
在这个看起来像童话的开头之后,小说真的开始了。事实上,当这对夫妇回到艾雷克所在的王国并且他得到完美的爱情时,严重的危机将危及夫妻的和谐相处。克里斯蒂安把矛盾诠释得很好,因为正如我们将在摘录中看到的那样,正是因为艾雷克在艾尼德身边特别幸福,他忘记了他作为骑士的所有职责,被人指责为懦夫。(阅读)
克里斯蒂安在这里描绘了夫妻恩爱的场景(“嘴对嘴,手挽手”),这是非常温柔的一幕,也是他们生活最后一个幸福的时期:在这幕恩爱场景之后发生的对话揭示了一个将会深刻影响他们命运的决定。克里斯蒂安的高明之处,在于他选择让艾尼德告诉丈夫外面的流言蜚语。从这一幕开始,包括接下来的大部分内容中,我们都将通过艾尼德的眼睛和思想来观察发生的事,而不是通过艾雷克。艾尼德这段长长的独白清楚地告诉了我们她的想法。注意她的目光是如何注视着身边睡着的丈夫(年轻女人勇敢的目光,看着丈夫“美丽的身体”和“英俊的脸庞”),她想到王国中关于丈夫的流言,感到非常伤心。对于克里斯蒂安来说,另一个重要的主题是作为一名基督徒的生命观,表现在他小说里就是小说人物的负罪感。看看这里艾尼德是如何觉得自己对艾雷克遭受的流言负有责任,因为丈夫认识了她就忘了所有骑士活动:“是我让他蒙羞”,她说。这种负罪感说明了她的慷慨和清醒;毕竟,如果艾雷克注意一点周围人说的话就会发现他的行为引起的敌意的反应!这里两个人物的对比也很有意思:她醒着,而他还睡着。然而,即使这种清醒意味着危机和失去幸福,它也是有益的,可以让这对夫妻的关系变得更加牢固。这就是克里斯蒂安赋予女主角的重要角色。同时我们可以看到,艾尼德对艾雷克的爱还包括对他极大的尊重,甚至是屈服于他的权威。“是的,老爷”有多重涵义,可以理解为“丈夫”,因为她认为他是“她的领主”。看看她是怎样愿意面对流言保持沉默,害怕丈夫的反应。只有当他强迫她说时,她才说了。这里看看克里斯蒂安的技巧:艾雷克醒了,因为他听到了妻子说的话。他没听懂艾尼德最后说的话。“你是因为难受才去了那里。”艾雷克听到妻子告诉他的流言,不禁觉得妻子也可能质疑他作为骑士的品质。所以后面他对她态度冷淡,直到他再次信任她。
这个选段展示了克里斯蒂安细腻的心理分析,尤其是对女性人物。他笔下的“典雅爱情”不同于行吟诗人歌唱的那种婚外情,但仍然保有对感性,对他人的关注,对男与女意志之间的平衡一系列丰富又微妙的描写。克里斯蒂安凭借小说这种形式带来的新意,是采取了女性视角,而行吟诗人总是使用男性视角。
为了理解我们刚才读的场景带来的风险,得说说后面的小说。自从艾雷克听艾尼德讲他被附近的男爵们指责为懦夫之后,他就命令妻子准备出发。他全副武装,他们上路了。他告诉妻子要在他前面骑马,而且不要说话,不管她看到或想到了什么。在路上,他们将会遇到越来越多也越来越可怕的敌人。每次,艾尼德都面临服从丈夫还是提醒他的二难抉择,因为每次都是她最先发现他们面临的危险。每次,艾雷克都严厉指责她违反禁令,但同时他总能战胜这些对手。虽然在冒险的开始,我们是通过艾尼德的角度看事情,她总是自责,又非常担心艾雷克碰到的危险。但慢慢地,克里斯蒂安也向我们展示了男主人公的想法。艾雷克就是想惩罚多嘴又爱打听的妻子,但他也意识到妻子做的一切都是因为她很爱他。这一系列的冒险巩固了他们夫妻的感情,也把爱情和骑士精神联系起来,这也是克里斯蒂安眼中的爱情理想,把个人的成功与他对集体的贡献结合起来。
《珀西瓦尔》
这本小说是丰富的,复杂的,难以解释,首先是因为它没写完,但也因为克里斯蒂安首次在欧洲文学中引入了从凯尔特神话生发的动机:圣杯的动机。在这里我们不打算阐述这个角度,还是坚持我们选择的主题,风雅和典雅爱情。很显然,在他的最后一部作品引入圣杯,是因为作者想要超越世俗的价值观,就像他从前人物中表现出来的那种,而代之以更高的精神价值,不过今天我们我们只讲述这部小说主人公半路上的见闻。
我们就从珀西瓦尔拜访打渔国王城堡之后的场景说起吧,在城堡里他看到了圣杯,但是他没能提出问题,而这些问题可以把城堡居民从诅咒中解救出来。珀西瓦尔是谁?他是由母亲在森林深处抚养长大的野孩子。他的母亲在骑士战争中失去了丈夫和两个孩子,她发誓要让小儿子再也听不到骑士的话题。然而,有一天,当他在母亲的田地里掷标枪时,珀西瓦尔碰到了三个骑士:他们看上去非常厉害,他马上决定要去求亚瑟王授予骑士头衔,可是他的母亲根本不愿意儿子离开。小说讲述了主人公在成长途中经历的各种冒险,克里斯蒂安以熟练的方式把他的成长的严肃性,和主人公因为天真和笨拙带来的滑稽感结合起来。他首先找了个师傅,学习骑士之道,受到教育,师傅给了他很多建议让他成为风雅之人。然后他遇见了白花女士,感受到了爱情的甜蜜,这是因为他勇敢地打败了占领白花城堡的可怕对手。然而他还是决定离开女友,继续冒险。在我们的引文开始时,他就快重新找到亚瑟王和他的宫廷了,而他们也决定出发去找他,于是下面这个场景就发生了(阅读)。
这个场景标志着一个叙述的停顿:主人公之前一直在行动,就像他的早晨活动一样(早起,直接去牧场),现在忽然被打断了。景色本身呈现出一片白色。叙事在一种虚空中开展,接下来要进入一个长长的梦境:“珀西瓦尔在沉思”。场景在两扇窗前展开,珀西瓦尔满足于做个观察者。首先是天空捕猎的景象吸引了他的目光:野鹅在飞翔,白色的野鹅,被一只隼sǔn攻击,它冲向最弱小的那只,那只离队伍比较远,隼去攻击它直到它掉落。顺着珀西瓦尔的目光,作者把一系列迅速的动作描写得很好:鸟儿飞翔的水平运动,受伤的鹅落在地上的垂直运动。在安静的雪景中,“喧闹的”这个词同时说明了野鹅拍翅膀的声音,它们在危险之际逃跑,也说明了它们受惊的叫声。怎么能不看出来这些鹅代表女性的特质,脆弱,成为猎物,而隼代表男性特质,是掠夺者和攻击者。另外,第4117行的“联接”和“相会”可能看起来不太合适,却进一步说明了隼杀死猎物和喂饱自己的想法。在这个戏剧性的开始之后,捕猎的场景中止了,隼停止攻击,受伤的鹅又重新飞翔。行为完全让位于思考。
第二扇窗开了。珀西瓦尔的目光之前一直看着外面。现在,他的目光看到了一个现实,但把它转化成了符号。这个现实是什么?其实很简单:就是一片雪地,上面留下了受伤野鹅的三滴血。红色与白色强烈的对比,只能让人想到那个时代手抄本上彩绘字母的鲜艳色彩。而诗人运用这两种颜色其实是为了描绘珀西瓦尔爱人美丽的脸。这个审美的理想把女士的脸比喻为百合,用红色来烘托,是为了表明娇嫩和活力;红色是嘴唇和脸颊的颜色。克里斯蒂安很了解这些女性美的特征,行吟骑士们在很多诗歌中都这样歌颂他们的女士。而这也是他在这里赋予珀西瓦尔一种典雅爱情的态度,在这个爱情的幻想中他得到很多欢乐,而其实他离白花女士很远,因此他可以想念她,尽情地想象她。从某种程度上说珀西瓦尔变成了诗人,把现实转化成了别的事物,把心爱的女人的肖像投射到了这片纯洁的风景上。
而同时,如果这一幕让读者受到冲击,那是因为女性脸庞的画像出现在隼捕杀野鹅之后,是暴力之后的温情,这两幕的共同点是血映在了白色上,那就只能让人联想到另一个场景,那就是失去童贞。小说家让·吉奥诺在他最精彩的著作之一,《没有娱乐的国王》中的描写让人想起这一幕,在主人公,宪兵队长郎格鲁自杀前,他在调查严冬中对女性犯下的神秘罪行,他也看到了一只鹅在雪上留下血迹。
总之,我们通过在十二世纪法国文学的四个样本,行吟诗人的两首诗和克里斯蒂安的两个小说片断,知道了艺术复兴在这个时期如果和风雅的理想联系起来。首先是对关心对方的品质的普遍肯定,因为,无论是在物质方面作为捐赠能力的“慷慨”,还是对服装方面的追求,或者更微妙地,更根本地,指考虑到他人的想法,考虑到对方的感受或期望,风雅总是表现为一种需求,每一次都超越自身复兴的满足,而去关心他人。而这个对方就是指女人,可以看到她的不同,也可以看到她在宫廷中有着和男人相同的权利。当然,要把风雅时代用“女权主义”形容肯定是错误的,西方社会的女性仍然需要很长时间才能获得与男性平等的权利。但即使我们只处理一部小说,看到艾尼德和她的丈夫,骑士艾雷克一起冒险,仍然是惊人的。不可否认,她不是在那里打仗,但是就像艾雷克很快意识到的一样,她发挥了非常有效的作用来监视等待他们的许多危险!而且,正如我们所看到的,风雅的出现恰逢典雅爱情的发明,它不仅仅是一种乌托邦或理想化的爱,而是将爱的感觉视为它拥有的东西中最真实的,最强烈的,它懂得欲望。这是因为诗人重视爱情渴望中内在的力量,同时不断地推迟他的满足,这为他打开了梦想空间,为艺术创作带来了充分的空间。